La piscine de Bon-Secours à Saint-Malo

Pourquoi construire une piscine d’eau de mer au bord de la mer ? Récit d'une idée peu banale, témoin d'une époque révolue.

Au même titre que les remparts, la silhouette du plongeoir et des murs de fondation de la piscine de Bon-Secours font partie des images qui viennent immédiatement à l’esprit quand on évoque la cité de Saint-Malo.

A la fin du XIXème siècle Saint-Malo se cherche une nouvelle identité. Bien que l’activité de pêche perdure, en particulier celle des Terre-Neuvas, le temps des corsaires et des armateurs est bien fini. Parallèlement, à cette époque, l’idée des bienfaits thérapeutiques des bains de mer se développe en France. Or Saint-Malo possède des atouts pour se lancer dans cette aventure : de nombreuses plages, un attrait historique certain, un climat océanique tempéré par le Gulf Stream ... De plus la ville est accessible en chemin de fer depuis Rennes dès 1864. Ce qui la met à 8h00 de Paris ! Le succès est au rendez-vous. Dès lors, casinos, établissements de bains chauds et autres lieux de plaisirs et de divertissements fleurissent aux abords de la cité intra-muros.

Autres temps, autres mœurs, l’acte de baignade comporte tout un rituel. En particulier, pudeur oblige, on ne se déshabille pas à la vue de tous. De plus l’usage est de passer toute la journée à la plage. C’est ainsi que se créent des établissements appelés bureaux des bains. Ceux-ci, installés directement sur la plage, proposent aux estivants de la location de matériels (cabines, tentes, transats...), des services (buvette, cours de natation...) et organisent des activités (tournois sportifs...). Sur la plage de Bon-Secours ils sont au nombre de trois dont, celui de René Lesaunier, les "Bains René".

Ce dernier est un homme novateur avec le souci de satisfaire sa clientèle. Ainsi, il est le premier à proposer d’équiper ses chaises-longues d'un pare-soleil, il fait installer des douches d’eau douce reliées au réseau de la ville… Cependant il est régulièrement confronté à un problème. Lors des marées à fort coefficient ses clients désertent la plage! La mer est trop loin! Ils prennent alors la navette maritime pour passer la journée à Dinard, de l’autre côté de l’estuaire de la Rance. En effet, Dinard possède une piscine d’eau de mer. Qu’a cela ne tienne, Saint-Malo doit aussi se doter de cet équipement et en mieux. Dès lors René Lesaunier monte une véritable campagne de communication et de lobbying auprès de la municipalité réticente face à un projet qu’elle juge démesuré. Il finit par obtenir gain de cause et la piscine est construite dans le courant de l’année 1936. Elle est donc prête pour accueillir les estivants du premier été de congés payés. La particularité de la piscine de Bon-Secours par rapport à celle de Dinard ? Elle est construite directement sur la plage et ouverte sur l’un des côtés. Ce qui fait dire à René Lesaunier que l’eau est renouvelée deux fois par jour au grès des deux marées, alors que l’eau de celle de Dinard ne l’est que lors de grandes marées !

Après la Seconde Guerre mondiale les mœurs changent et les bureaux des bains périclitent peu à peu. Reste la piscine de Bon-Secours comme ultime témoignage de cet âge d’or des bains de mer, de cette forme de tourisme balnéaire.

La piscine étant construite sur le domaine public la concession doit être renouvelée tous les 30 ans. Or en 1996, alors qu’une série d’accidents graves a eu lieu dans le périmètre du bassin, les élus municipaux hésitent à formuler une nouvelle demande. La piscine risque la destruction. Devant la mobilisation des malouins, le Conseil Municipal plie et une nouvelle concession de 30 ans est accordée.

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